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Victoires juridiques

Troisième décision du Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire des Témoins de Jéhovah russes

Territoire de Perm,   Région de Smolensk,   Région de Penza,   Région de Volgograd,   Région de Briansk,   Région de Kemerovo,   Suisse

Le 6 mai 2020, le Groupe de travail du Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur la détention arbitraire a préparé une décision concernant 18 croyants en Russie. Le Groupe considère que les poursuites engagées contre eux sont illégales et exhorte les autorités à libérer immédiatement les personnes arrêtées, en lien avec la pandémie de COVID-19, et à « prendre les mesures appropriées contre les responsables de la violation de leurs droits ».

L’organe de l’ONU a examiné la plainte de dix-huit croyants russes de Volgograd, Kemerovo, Smolensk, Penza, Perm et Novozybkov. Dix d’entre eux ont été arrêtés et placés en détention provisoire : Andreï Magliv, Igor Egozaryan, Rouslan Korolev, Vladimir Kouliassov, Valeri Rogozine, Valeri Chalev, Tatiana Shamcheva, Olga Silaeva, Alexandre Soloviev et Denis Timochine.

Selon la décision n° 10 /2020 de 15 pages, il n’y a pas lieu d’engager des poursuites pénales dans aucune des affaires examinées et toutes doivent être classées immédiatement. Les poursuites ont été engagées « uniquement parce que [les accusés] ont professé pacifiquement leurs croyances religieuses, notamment en portant des textes religieux et des Bibles, réunis pour des services religieux avec d’autres croyants » (paragraphe 67).

Le paragraphe 71 du document stipule : « Les 18 personnes [...] ont été accusés de diverses formes d'« activités extrémistes ». Toutefois, de l’avis du Groupe de travail, aucune des activités décrites ne peut être interprétée comme telle. En outre, le Groupe de travail n’a pas été soumis, et le Groupe de travail lui-même n’est pas en mesure d’établir, des raisons qui pourraient justifier la restriction des droits de ces 18 personnes en vertu de l’article 18 du Pacte [international] [relatif aux droits civils et politiques]. Le Groupe de travail considère que toutes les activités auxquelles ils ont participé constituaient un moyen pacifique d’exercer le droit à la liberté de religion garanti par l’article 18 du Pacte. Cette activité a été le seul motif de la détention des 18 personnes et de leur procédure devant les tribunaux.

Le paragraphe 80 souligne que « les actions de ces 18 personnes étaient de nature pacifique, et rien n’indique que l’une d’entre elles, ni même aucun Témoin de Jéhovah en Russie, ait jamais eu recours à la violence ou appelé d’autres personnes à la violence ».

La décision réitère qu’il existe une « persécution systémique et institutionnalisée des Témoins de Jéhovah » en Russie (par. 78). La même formulation a été exprimée dans la décision du 1er octobre 2019 concernant Vladimir Alushkin de Penza, et dans la décision du 3 mai 2019 concernant Dmitry Mikhailov de Shuya (région d’Ivanovo). Il s’agit donc du troisième avis du Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire des Témoins de Jéhovah russes. Dans tous les cas, les responsables de l’ONU ont rejeté l’association des Témoins de Jéhovah avec l’extrémisme.

Le Groupe de travail demande également la libération des personnes détenues dans des centres de détention provisoire, car il existe un risque élevé de contracter la COVID-19 avec des soins médicaux limités (par. 84).

Au paragraphe 85, le Groupe de travail appelle à « une enquête complète et indépendante sur les circonstances de la privation arbitraire de liberté » des croyants et à « prendre les mesures appropriées contre les responsables ».

Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire est un organe chargé d’enquêter sur les cas de détention qui ne sont pas conformes aux normes internationales énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et d’autres instruments internationaux. Le Groupe de travail a le droit de recevoir des informations des autorités et des organisations non gouvernementales et de rencontrer les détenus et leurs familles afin d’établir les faits. Le Groupe de travail soumet ses conclusions et recommandations aux gouvernements, ainsi qu’au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Bien que les décisions du Groupe de travail ne soient pas contraignantes pour les États, elles peuvent contribuer à assouplir la position des autorités face à une large publicité internationale.

Selon la position juridique de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, exprimée dans l’arrêt du 09.06.2015 n° 1276-O, la Fédération de Russie, en tant qu’État de droit, ne peut ignorer la décision du Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui contient des conclusions sur la détention arbitraire et les poursuites pénales des citoyens, sans éviter les conséquences juridiques.